Le 22 janvier 2021, par l’intermédiaire de son avocat W.Bourdon, le chef kayapo Raoni METUKTIRE a adressé une plainte à la procureure de la CPI, Fatou BENSOUDA, contre Jair BOLSONARO , pour crimes contre l’humanité, meurtres, transferts forcés de populations, persécutions commises contre les peuples autochtones d’Amazonie.
La plainte est documentée, argumentée et ne fait qu’exprimer un état de fait que de multiples organismes ont pu constater . On ne peut que se réjouir de cette plainte à l’encontre de ce populiste vulgaire, corrompu, dangereux non seulement pour les brésiliens mais pour la planète.
La notoriété de Raoni est en très grande partie due à la rencontre qu’il fit en Amazonie avec Jean-Pierre Dutilleux . Dans son dernier livre écrit avec ce dernier « Mon dernier voyage » , Raoni raconte brièvement la rencontre avec JP Dutilleux , qui a échappé à une mort possible , voire probable ,parce qu’il était porteur d’un message d’un ami de Raoni, un indigéniste brésilien . Mais comme le récit de sa vie permet de le comprendre , cette rencontre n’aurait peut-être jamais évolué en amitié – une amitié indéfectible- si Roani n’avait pas été un fils de chef , qui lui a enseigné l’importance de se contrôler soi-même, « d’aimer tout le monde , hommes et femmes , empêcher les querelles inutiles , éviter les guerres »(p 42), s’il n’avait pas eu l’occasion également , avant cette rencontre, de faire connaissance avec le monde des Kuben ( les blancs ).
Jean- Pierre DUTILLEUX va lui permettre de découvrir l’immensité de ce monde qu’il ne connaît pas, des éléments de leurs cultures au cours de conversations , en lui offrant un Atlas, avant d’organiser des voyages qui vont lui permettre de parler au nom des peuples d’Amazonie , menacés dans leur existence par la déforestation accélérée de la forêt amazonienne.Raoni va découvrir , de l’avion qui l’emmène hors de son territoire , son monde, cette immense forêt amazonienne , petite au regard du reste du monde qui l’entoure.Il va découvrir la « civilisation », de grandes capitales , rencontrer des personnes célèbres ( hommes politiques , célébrités de la télévision, le Pape ..) sans que jamais cela entame son attachement à son pays, l’Amazonie, son peuple et les peuples qui y vivent , son attachement aux traditions. Bien au contraire . Devant les menaces de disparaître ,ce qu’il a pu découvrir et expérimenter a renforcé sa détermination :lutter pour maintenir un mode de vie qu’il ne juge en aucun cas inférieur à celui de ces pays qu’il a pu parcourir, mais dont il comprend -même s’il reste confiant dans la volonté de ses défenseurs- qu’il est sans doute condamné à disparaître.
« Après ma mort, j’aimerais que les indiens vivent tranquilles dans la forêt , qu’ils puissent chasser, pêcher et aussi chanter et danser au village. C’est cela la vie des Kayapos », écrit-il à la fin de son testament.
Refus de disparaître, refus de voir la forêt amazonienne disparaître, prise de conscience que son destin est intimenent lié à celui de l’humanité et , sans doute, que celui de l’humanité est lié au sien, que son combat a valeur universelle .
Pour l’être humain que je suis ,la conviction que cette lutte inégale entre des peuples aux cultures traditionnelles et une civilisation qui n’est plus que l’action conjuguée d’une économie dominée par le capitalisme , la finance et la technologie n’est pas jouée. Elle ne l’est pas parce qu’elle est en résonance avec la prise de conscience écologique d’une partie croissante des populations du monde.
Pour le moment il reste à espérer que la CPI comprendra que l’enjeu de cette lutte est, d’une certaine manière, une Justice qui , au nom de l’Humanité, affirmerait que l’Humanité s’appauvrirait de la disparition de tous les peuples et cultures qui sont AUSSI l’Humanité.
« Lorsqu’un peuple- qui occupait une position telle dans le monde que personne ne peut immédiatement la reproduire, dans la mesure où ce peuple présente toujours une vision du monde que lui seul peut incarner-, une ville ou même seulement un groupe de personnes est détruit, ce n’est pas seulement un peuple, une ville ni même un certain nombre d’hommes qui est détruit , mais une partie du monde commun qui se trouve anéantie : un aspect sous lequel le monde se montrait et qui ne pourra plus jamais se montrer. L’anéantissement ici n’équivaut pas simplement à une forme de disparition du monde, mais concerne également celui qui l’a perpétré. La politique au sens strict du terme n’a pas tant affaire aux hommes qu’au monde qui est entre eux et qui leur survivra; dans la mesure où elle est devenue destructrice , et où elle provoque la ruine du monde elle détruit et s’anéantit elle-même. Autrement dit :plus il y a de peuples dans le monde qui entretiennent les uns avec les autres telle ou telle relation, plus il se créera de monde entre eux et plus ce monde sera grand et riche » Hannah ARENDT Qu’est-ce que la politique?
