Cosmopolites, enfin ?

 Les conséquences de la guerre menée par la Russie à l’Ukraine  affectent le monde entier et démontrent une fois de plus  que tous les pays du monde sont liés les uns aux autres, sont dépendants les uns des autres . Un délinquant psychopathe – ne parlons pas de chef d’Etat , Poutine est un chef de gang ,le parrain d’une maffia qui a volé son pays, traite les russes comme un troupeau , enferme  à tour de bras les récalcitrants , les résistants à ses mensonges, tue s’il le faut  – a créé un désordre mondial dont le monde précisément mettra des années  à se remettre ,dont on est incapable de mesurer les effets à moyen et long terme .

Le vingtième siècle a connu quelques psychopathes notoires , criminels  de masse ( Hitler, Staline ,  Mao pour ne citer que  ces trois-là), et l’on pouvait espérer qu’on en avait fini . Il n’en est rien .  Bachar El Assad, autre psychopathe et criminel de masse  notoire a ouvert le bal du vingt-et-unième siècle , et, comme il est toujours en vie grâce à son complice Poutine, ce dernier a dû se dire qu’il pouvait , avec tout son arsenal nucléaire , faire mieux que Bachar. A crapule crapule et demie.

La guerre n’est pas la continuation de la politique , elle en est la négation . La politique n’est autre  que la méthode qui vise à faire vivre ensemble des êtres humains . C’est d’une façon totalement arbitraire que certains ont voulu fonder l’Etat sur le principe ami-ennemi . Dans un petit livre passionnant , stimulant ,intitulé «  Quand l’Histoire commence » ,Bertrand Badie démolit cette théorie . La violence , la négation de l’Autre , ne sont pas au cœur des relations humaines. Rien ne permet d’ affirmer de façon catégorique  que l’Autre est soit un ami , soit un ennemi. Cette schématisation des relations humaines – et évitons de faire de l’Etat ou de la Nation des entités réelles  alors qu’ils ne sont qu’une des manières de penser la réalité- tourne le dos à leur complexité .

Poutine n’est pas un homme politique , c’est un délinquant doublé d’un psychopathe .On peut espérer  qu’il finira là où il devrait finir, devant la Cour pénale internationale ( où il pourrait jouer aux cartes avec Mladic et Karadzic, deux autres malades ), ou, à défaut ,que quelqu’un se chargera de l’éliminer . On aimerait que ce soit le peuple russe  qui se débrasse de son tyran .

Terminons d’ailleurs sur cette conviction : tant que  des individus , des peuples  accepteront de se soumettre à des tyrans   ou réaliseront à travers leur tyran des désirs malsains, rien ne changera vraiment.

Sur ce sujet La Boétie a dit l’essentiel. Il ne pouvait pas imaginer que  les tyrans ont  des moyens hors de proportion avec ceux qu’il a pu connaître et que la question est précisément de savoir comment se débarrasser d’un tyran qui n’hésite pas à liquider la moitié de sa population s’il le faut pour rester au pouvoir.

La vraie question est bien de savoir comment faire que les êtres qui sont sensés nous permettre de vivre en paix les uns avec les autres ne soient pas ceux  qui nous tyranniseront et nous mettront sans arrêt dans l’insécurité, dévoyant la politique

 Avez-vous enfin compris pourquoi la politique , aujourd’hui plus que jamais doit être une cosmopolitique ?

Choisir le cosmopolitisme

Le cosmopolite dit ce que Diogène le cynique a exprimé d’une façon lapidaire . A quelqu’un qui lui demandait d’où il venait il répondit « Je suis citoyen du monde ». Pas citoyen de telle ou telle cité , citoyen du monde.

Il n’est pas le seul dans ces 6ème et 5ème siècles avant J- C, en Grèce , à affirmer que l’être humain ne se définit pas par son appartenance à une cité-état . ( voir l’excellent livre de P.Coulmas « Les citoyens du monde . Histoire du cosmopolitisme »).  Ce refus de se définir par son appartenance politique , sa nationalité dirions-nous aujourd’hui , son appartenance à un Etat ,etc.. est le fil rouge du cosmopolitisme. L’être humain n’appartient à personne, n’appartient à aucune cité, à aucune nation. Ce qui fait sa grandeur. Il y a en l’être humain  de quoi rapprocher les êtres humains et non pas seulement de quoi les opposer . Une « identité » commune serions-nous tentés de dire, si ce mot ne faisait pas courir le risque de traiter les hommes comme des choses, alors qu’ils ne le sont pas, que ce qu’ils sont se dérobe indéfiniment  à  qui veut le  connaître , une identité qui est comme un puits sans fond .  Le soi-même ( l’ipséïté) est ce qu’on ne connaît  jamais, la fréquentation du monde et des autres ne cesse d’en révéler les frontières indécises , fluctuantes, incohérentes .

Etre cosmopolite c’est refuser toute assignation . C’est garder à l’égard de soi, en tant que membre d’une communauté cette distance qui permet à tout autre de trouver une place, d’exister .

Mais ça serait faire preuve d’infantilisme que de croire qu’il suffit de  refuser toute assignation , toute identité déclarée pour que celles-ci disparaissent.

Ma carte d’identité dit que je suis masculin, que je suis né dans tel pays, telle ville, telle année , tel jour, et ma vie a laissé des traces diverses  qui permettraient d’écrire une biographie .Faire comme si j’étais un pur esprit , qui se consacre à la spéculation permanente , à la lecture, aux arts, à la fréquentation des autres dans leurs œuvres , à la contemplation est du  pur infantilisme.

Etre cosmopolite  c’est refuser un monde  où l’étranger est considéré comme un ennemi, où l’on est incapable de se considérer soi-même comme étranger pour les autres. L’étrangeté ( l’étrangèreté )désigne la singularité d’un être . L’étranger , cet autre moi qui pourrait être moi, que je ne suis pas,  est une  invitation à m’interroger sur moi-même, à prendre conscience de l’étranger que je suis pour moi-même,  à questionner le sens de cette pluralité. Tuer l’autre est toujours se tuer soi.

 Etre cosmopolite  c’est travailler à faire que ce monde-là où l’étranger est mon semblable , soit possible , où la singularité soit respectée.

H.Arendt parlait de la pluralité et de la nécessité de la reconnaître comme donnée . La tentation permanente des Etats est de nier cette pluralité, de sommer les citoyens de marcher au pas, de les regrouper sous des drapeaux, de leur coller un uniforme .

Etre cosmopolite c’est être citoyen du monde c’est-à-dire être celui pour qui le monde  ne peut résulter que de la possibilité pour chacun de participer avec tout autre à ce qu’il existe.

Etre citoyen du monde c’est reconnaître à tout autre cette même citoyenneté, c’est la vouloir .

Comme l’a si bien dit Etienne Tassin , le cosmopolitisme est une cosmopolitique, une politique qui s’oppose à tout ce qui empêche les étrangers que nous sommes  toutes et tous les un-e-s pour les autres de faire exister un monde .

 .

L

 .

Vanessa NAKATE

Vanessa  NAKATE

Tandis qu’une certaine jeunesse exsude sa médiocrité et sa haine dans les meetings de Zemour, ce clown sinistre , cet étron dont on espère qu’il finira là où tout étron doit finir, dans  la cuvette des toilettes de l’Histoire, il y a une autre jeunesse   qui incarne le combat véritable  pour la survie d’une humanité qui  n’ait pas le visage grimaçant  de l’absence de pensée. Aujourd’hui cette jeunesse a le visage de cette jeune femme ougandaise que j’ai écoutée avec émotion dans les 28 minutes d’Arte il y a  peu  ,Vanessa NAKATE.et dont j’ai commandé le livre le lendemain même de l’émission. Elle incarne la vie quand les autres  , sous leur apparente vitalité , sont la mort en marche.

Magnifique témoignage d’une jeune femme qui , voulant mettre à profit les quelques mois dont elle dispose à la fin de ses études supérieures et la remise de son diplôme pour se « mettre au service de la société », va trouver sa voie  ( titre du premier chapitre), celle d’une militante pour une cause  dont elle perçoit l’urgence et qu’elle choisira d’appeler « l’urgence climatique » .

Le militantisme a des ressorts difficiles à comprendre. Il n’est pas , en soi, un bien . On peut militer pour des causes mortifères. La haine comme l’amour  de l’Autre peuvent le nourrir . C’est l’amour des êtres humains qui nourrit le militantisme de  Vanessa . La foi qui l’anime  et qui l’aide à tenir quand elle doit affronter difficultés de tout ordre, déception, désespoir, n’est pas celle dans un Dieu   mû par la haine des êtres humains. De cette foi elle écrit : « Ma foi est comme un guide qui m’aide à tenir bon dans les épreuves et m’insuffle la force d’aimer chaque personne- grâce à quoi j’ai pu continuer à m’exprimer au nom de ces millions de gens qui, en Ouganda et partout dans le monde, subissent de plein fouet la crise climatique »

On découvrira l’importance de ses parents qui  , bien que surpris par ses engagements , et quelque peu anxieux , la suivent , la soutiennent . Celle de ses frères et sœurs qui l’accompagnent .D’ami-e-s et , en particulier , de personnes qu’elle admire  C’est qu’on ne peut  mener un tel combat seule !

Chapitre après chapitre on découvrira un parcours où les difficultés renforcent sa combativité et sa résistance , où il lui faudra apprendre , comprendre , faire preuve de lucidité et d’humilité , ce qui , pourtant ne l’empêche pas d’affirmer : «  nous avons le devoir de sauver le monde . Nous avons le devoir de le changer et de nous changer nous-mêmes. Il n’est pas trop tard ».

Il faut lire ce livre pour se convaincre qu’il y a d’innombrables jeunes ( et moins jeunes) qui aiment le monde , aiment les êtres humains , aiment la vie et en découvrent la  « substantifique moëlle »  dans ce désir puissant qui les porte à se battre pour elle , à la défendre .

Vanessa  NAKATE

Tandis qu’une certaine jeunesse exsude sa médiocrité et sa haine dans les meetings de Zemour, ce clown sinistre , cet étron dont on espère qu’il finira là où tout étron doit finir, dans  la cuvette des toilettes de l’Histoire, il y a une autre jeunesse   qui incarne le combat véritable  pour la survie d’une humanité qui  n’ait pas le visage grimaçant  de l’absence de pensée. Aujourd’hui cette jeunesse a le visage de cette jeune femme ougandaise que j’ai écoutée avec émotion dans les 28 minutes d’Arte il y a  peu  ,Vanessa NAKATE.et dont j’ai commandé le livre le lendemain même de l’émission. Elle incarne la vie quand les autres  , sous leur apparente vitalité , sont la mort en marche.

Magnifique témoignage d’une jeune femme qui , voulant mettre à profit les quelques mois dont elle dispose à la fin de ses études supérieures et la remise de son diplôme pour se « mettre au service de la société », va trouver sa voie  ( titre du premier chapitre), celle d’une militante pour une cause  dont elle perçoit l’urgence et qu’elle choisira d’appeler « l’urgence climatique » .

Le militantisme a des ressorts difficiles à comprendre. Il n’est pas , en soi, un bien . On peut militer pour des causes mortifères. La haine comme l’amour  de l’Autre peuvent le nourrir . C’est l’amour des êtres humains qui nourrit le militantisme de  Vanessa . La foi qui l’anime  et qui l’aide à tenir quand elle doit affronter difficultés de tout ordre, déception, désespoir, n’est pas celle dans un Dieu   mû par la haine des êtres humains. De cette foi elle écrit : « Ma foi est comme un guide qui m’aide à tenir bon dans les épreuves et m’insuffle la force d’aimer chaque personne- grâce à quoi j’ai pu continuer à m’exprimer au nom de ces millions de gens qui, en Ouganda et partout dans le monde, subissent de plein fouet la crise climatique »

On découvrira l’importance de ses parents qui  , bien que surpris par ses engagements , et quelque peu anxieux , la suivent , la soutiennent . Celle de ses frères et sœurs qui l’accompagnent .D’ami-e-s et , en particulier , de personnes qu’elle admire  C’est qu’on ne peut  mener un tel combat seule !

Chapitre après chapitre on découvrira un parcours où les difficultés renforcent sa combativité et sa résistance , où il lui faudra apprendre , comprendre , faire preuve de lucidité et d’humilité , ce qui , pourtant ne l’empêche pas d’affirmer : «  nous avons le devoir de sauver le monde . Nous avons le devoir de le changer et de nous changer nous-mêmes. Il n’est pas trop tard ».

Il faut lire ce livre pour se convaincre qu’il y a d’innombrables jeunes ( et moins jeunes) qui aiment le monde , aiment les êtres humains , aiment la vie et en découvrent la  « substantifique moëlle »  dans ce désir puissant qui les porte à se battre pour elle , à la défendre .

« MOI,CITOYEN »de Grégoire FRATY

Sur la quatrième de couverture il est écrit

« Grégoire Fraty a 32 ans, il vit en Normandie et travaille dans la formation professionnelle. Il est l’un des 150 citoyens qui ont participé à la Convention Citoyenne pour le Climat entre 2019 et 2021 »

 Disons-le d’emblée : j’ignore si d’autres livres ont été écrits par des participants  à la Convention, si d’autres seront écrits , mais  celui-ci me convaint qu’il  serait souhaitable que l’on disposât d’autres témoignages . Pourquoi ? Parce que l’expérience que relate Grégoire Fraty , dans un style accessible à tous , limpide et vivant, est d’une telle richesse que l’on souhaiterait que  sa richesse s’accroisse des témoignages de toutes celles et de tous ceux qui ont accepté de participer à cette Convention .

Il n’est pas dans mon intention de résumer cet ouvrage Je l’ai lu pour la raison suivante : je travaille sur la notion de citoyenneté  dans le cadre d’une réflexion sur le cosmopolitisme , sur la citoyenneté cosmopolite  , sa possibilité  , et sur la citoyenneté tout court . Ma réflexion se nourrit des ouvrages d’Etienne TASSIN dont la pensée s’est construite dans un dialogue ininterrompu avec l’œuvre d’H.Arendt Je travaille , à l’heure actuelle, à en tirer la « substantifique moëlle ». Et je tenais à mettre à l’épreuve certaines idées développées  par Etienne TASSIN.

Avant de formuler quelques idées en rapport avec ce thème de la citoyenneté, quelques remarques.

C’est un livre qu’il faut lire parce qu’une telle expérience de la citoyenneté  , sur un sujet d’une telle importance, dans les conditions d’organisation décrites, les moyens mis à disposition des 150 citoyens , n’a sans doute jamais eu lieu , ou, si de telles expériences ont pu exister , elles ont été rares  . Je n’ignore pas que des municipalités ont cherché à développer la démocratie participative- expériences qui mériteraient d’être plus connues (voir entre autres « Le coup d’état citoyen » d’E LEWWIS  et R.SLITINE) -mais il s’agit principalement d’une participation citoyenne portant sur des sujets limités dans leur extension géographique . Ici il s’agit d’une Convention où les participants doivent réfléchir sur des thèmes  dans l’optique de faire des propositions qui concernent la France , et non pas telle ou telle municipalité , éventuellement telle ou telle région . Le citoyen est invité à se « mettre à la place » des ministres ou du chef de l’Etat

C’est une expérience de longue durée (octobre 2019 à février 2021)qui nous est relatée, qui a demandé à des gens ordinaires (le livre expose la façon dont a été constitué ce groupe de 150 citoyens) , volontaires, de consacrer beaucoup de temps, d’énergie , de patience etc ..à ce travail , de changer leur vie quotidienne, leur vie familiale , bref de s’investir dans une aventure risquée , dans le sens où elle pouvait n’avoir aucune réelle importance au plan  politique , n’être , au fond, qu’une ruse de plus du pouvoir pour  se sortir d’une mauvaise passe.

Dans cette histoire on trouvera tout ce que l’on pouvait s’attendre à trouver quand des gens qui ne se connaissent pas , de métiers, compétences, opinions politiques âges  ..différents sont amenés à travailler ensemble. Bien que chacune et chacun aient choisi de faire partie de ce groupe, les motivations ne sont pas les mêmes, les personnalités non plus.

On apprendra également que ces 150 citoyennes/citoyens ont rencontré d’innombrables experts, quelques hommes et femmes  politiques , des personnalités médiatiques etc..

Bref on trouvera de quoi se faire une   idée précise  de ce que fut cette Convention.

 Mais , comme je l’ai dit plus haut , je n’ai pas lu ce livre avec le seul souci d’en savoir plus sur cette Convention que ce que j’en avais appris par les journaux. Je voulais confronter le récit avec des analyses philosophiques sur la citoyenneté , la politique , le pouvoir etc…

La première réflexion que j’ai été amené à me faire est que la composition de ce groupe était une assez bonne illustration de ce que H.Arendt appelle la pluralité , qu’elle considère  comme ce qui définit la condition politique des êtres humains.  Ce concept  qu’il ne faut pas confondre avec celui de multiplicité , est au fondement même de toute sa réflexion sur la condition de l’être humain et il résulte de son analyse des systèmes totalitaires . Je le développerai ailleurs.

La seconde réflexion concerne l’usage  que fait G. Fraty du terme politique . Il ne se considère pas comme faisant de la politique , il parle de certains conventionnels qui ont décidé de se lancer dans la politique , d’autres dans l’associatif etc. . En d’autres termes il ne considère pas qu’il a fait de la politique , parce que pour lui  la politique concerne des « professionnels » de la politique , les gens au « pouvoir », les députés, maires , etc etc.. Qu’a-t-il donc fait ?Qu’ont-ils donc fait ?

Que fait un citoyen quand, avec d’autres , il parle pour agir , parle de ce qui concerne l’intérêt commun, pour agir pour ce qu’on appelle communément le « bien commun » ?

La démocratie représentative a tellement dépossédé  le citoyen « lambda » ( dixit G . Fraty), que ce citoyen , lorsqu’il n’est jamais autant citoyen que lorsqu’il pense à ce qui concerne l’ensemble des français , juge qu’il ne fait pas de la politique .

C’est précisément cette idée qu’Etienne TASSIN, avec H.Arendt rejette . La parole et l’action orientées dans le sens de l’intérêt commun, dans le sens du « commun », c’est précisément ça , faire de la politique et non pas lutter pour s’emparer du pouvoir . Car le pouvoir se trouve du côté de la pluralité dès lors où cette pluralité agit et parle . Le pouvoir est du côté de « l’agir pluriel »

Le concept de « politique »  est à tel point dévoyé  que même une personne faisant , pour une fois, vraiment , de la politique , ne voit pas qu’elle en fait.

Et le livre permet de se faire une idée de cette fausse conception de la politique , largement défendue par des femmes ou hommes politiques .Au hasard des rencontres avec des femmes et hommes politiques, on apprend que bien des femmes ou hommes politiques dénigrent la Convention . Incompétence et illégitimité  sont deux idées qui  reviennent.

Or les 150 ont pu rencontrer des dizaines et des dizaines d’experts, de très hauts niveaux , ce qui, comme le dit G. Fratry , a fait d’elles et d’eux des gens bien supérieurs en compétence à nombre de « politiques » . Illégitimité ? Oui ils ne sont pas élus , mais est-ce que l’élection est le fondement de la légitimité ? G.Fratry n’interroge pas cette notion , mais qui lira son livre comprendra que  l’élection , qu’il ne remet pas en cause, est bien loin de suffire à faire que le pouvoir d’un individu soit légitime.

En réalité on découvre que la démocratie représentative a perverti l’esprit même de la démocratie et que , pour beaucoup de « politiques » la souveraineté du peuple  est une aimable plaisanterie . Le peuple , c’est eux.

Mais ce qui m’a le plus touché , sans aucun doute , c’est cette idée , largement développée dans la fin du livre , que cette expérience avait profondément changé les 150 au point qu’ils se sont retrouvés au sein d’une association « les150.fr », pour prolonger  leur expérience , c’est-à-dire continuer à faire vivre  cette nouvelle vie qu’ils avaient expérimentée.

La conclusion commence par cette petite phrase :

« Je sors de cet exercice transformé .

Je ne suis plus le citoyen lambda tiré au sort il y a un an. Je suis quelqu’un d’averti, qui maîtrise les enjeux climatiques , la démocratie participative, les médias, le monde de la politique, le poids des lobbys et l’investissement citoyen. L’année  écoulée m’aura permis de grandir , d’évoluer , de changer.
Je porte quelque chose de différent aujourd’hui, des convictions, des ambitions , des valeurs. Je maîtrise la question climatique , car j’ai des connaissances sur le sujet et que j’ai pu me forger un avis. Je sais ce que je pense et pourquoi je le pense »

Bien d’autres passages  vont dans le même   sens.

Dans le livre d’Etienne TASSIN « Pour quoi agissons-nous ? » nous trouvons en introduction ces phrases qui font écho , d’une façon évidente à ce qu’écrit G.Fraty :

« Avant d’être une vie militante, la vie politique est une vie d’engagements ordinaires et collectifs . Ces engagements n’ont nul besoin d’être entiers, constants , héroïques : ils ne sont pas réservés aux glorieux combattants de la liberté, de l’égalité ou de la justice. On n’est pas citoyen par vocation : on l’est, le plus souvent , par occasion. Il arrive un jour par hasard que nous agissons pour telle cause en telles circonstances avec tels autres pour des raisons inattendues, et cela suffit à faire de nous un citoyen – ce jour-là.

Appelons citoyenneté non pas la mobilisation permanente d’une vie entièrement investie dans la chose publique par une dévotion militante, pas non plus cette abstraction juridique qui m’autorise à déposer ma voix dans une urne et à me désintéresser d’elle pendant les cinq années qui suivent , mais, entre les deux, le titre virtuel et fragile que j’acquiers pour avoir agi ici et maintenant avec d’autres en un combat aléatoire et souvent vain, mais honorable et aux enjeux communs, qui m’a fait naître à moi-même et aux autres d’une manière imprévisible et m’a donné , un moment, parfois très court, une vie dévouée à autre chose qu’à elle-même.

En ces moments d’action plurielle où à l’effervescence d’un combat partagé se mêlent les tracas de l’intendance , les manœuvres jouées ou subies, les tentatives d’organisation et les déboires de la division, les efforts qu’on fait pour convaincre et ceux qu’on fait pour se plier, de courtes joies intenses et de longues heures inoubliables , on a éprouvé quelque chose comme une égalité de statut et de conditions avec les autres acteurs , comme une liberté gagnée dans l’adversité , comme une singularité d’être , forgée au contact de celles et de ceux qui, comme nous , se distinguaient d’eux-mêmes et des autres. On a éprouvé une solidarité de combat , aussi convenues qu’aient été nos affaires. Et ce fut pour nous comme autant de secondes naissances : de chacun de nous, de notre communauté active, de notre monde ainsi composé des tensions et des luttes partagées.

Il  a fallu pour cela que nous agissions, que nous agissions ensemble , même au sein de conflits pénibles ; que nous soyons pour ainsi dire communément portés par cette action plutôt que porteur d’elle .En retour nous avons appris  d’elle qui nous sommes ou qui nous pouvions être , ne serait-ce qu’en de précaires instants , chacun et ensemble. Là nous sûmes quel pourrait être notre monde(…..)

En réalité , c’est le monde quotidien, celui de chacun et de tous, mais soudainement vu autrement , selon d’autres solidarités , car ce monde né de nos actions reste enté sur celui de nos vies ordinaires : il est simplement enrichi , plus dense, plus signifiant , plus beau. Et plus humain. Il a acquis un sens spécial , celui que confère l’agir ensemble d’une pluralité d’acteurs qui se découvrent égaux et libres en cette occasion » ( pages 5 et 6 )

Résister

Résister

Dans « Le Monde «  du 22 avril je lis la chronique de Sylvie Kaufmann

« Le flou troublant des lignes rouges »

Le flou des lignes rouges est celui  des valeurs que l’on invoque face à des pouvoirs autoritaires  ou à de véritables dictatures sans qu’elles soient suivis d’actes significatifs :

« Où se situe cette « ligne rouge » dont M.Macron dit qu’il faut à tout prix la respecter ? Lorsque M.Biden avertit le Kremlin qu’il s’expose à des « conséquences » si Alexei Navalny vient à mourir , de quoi parle-t-il ? Quand la chancelière allemande , Angela Merkel, « s’inquiète » pour la santé de Navalny tout en maintenant qu’il n’est pas question de toucher au gazoduc Nord Stream 2 que propose-t-elle ?

Face à la montée de régimes autoritaires modernes dont le modèle a évolué , comme celui de la Chine, ce manque de clarté affaiblit inévitablement le modèle démocratique »

Dans cette situation quelques individus  « ne vacillent pas , pourtant » écrit-elle . Et de citer à titre d’exemples Jimmy Lai ,  le milliardaire de Hong-Kong, et Navalny . Mais il faudrait parler  des biélorusses qui continuent de résister , des birmans -la liste serait longue- et de tous les anonymes dont on ne connaîtra jamais les noms et qui n’ont jamais cédé à la peur .

Dans un texte qui a servi d’introduction à un colloque intitulé « Syrie : à la recherche d’un monde », colloque tenu les 14 et 15 décembre 2017 à l’Université Paris Diderot  (texte reproduit dans la revue TUMULTES  n° 55), Etienne Tassin cite un passage du livre de Françoise Proust « De la résistance » :

« Résister ne veut pas dire ne pas être faible , mais ne jamais consentir à sa faiblesse et à son impuissance. Ne jamais consentir, ne jamais accepter. On peut être vaincu. Nombre de résistances admirables l’ont été, mais il importe de ne pas s’avouer vaincu, de ne pas passer dans le camp des vainqueurs, de ne pas reconnaître aux vainqueurs leur victoire, ce qui au fond entérinerait la figure du pouvoir et la figure du destin ».

Lui-même écrit :

« Il est d’usage d’imaginer que la résistance est une réaction à une force exercée , que la résistance est réactive. En réalité , je voudrais mettre en évidence que cette représentation de la résistance est trompeuse parce que la résistance est productive et positive de quelque chose. » Puis il prend l’exemple de la résistance électrique  et poursuit : « .. je crois que dans la résistance justement tout n’est pas simplement là, dans le fait d’opposer une force à une force ou d’opposer un pouvoir à un autre pouvoir.Il me semble que dans la résistance il s’agit d’opposer une puissance d’être et d’agir à un pouvoir de contraindre. Au fond toute résistance est une résistance à la domination , pas au sens où on va lui opposer un autre dispositif de domination, mais au sens de la résistance déplace le rapport domination/soumission vers autre chose , c’est-à-dire peut-être vers un refus de dominer autant que vers un refus d’être dominé. Il y a peut-être quelque chose dans la résistance d’un refus de la domination comme posture »

En ce sens la résistance rejoint la révolte   dans le refus, le fait de dire non, et dans le fait qu’elles refusent d’utiliser les moyens de la domination , c’est-à-dire la violence. Il faut citer le début du chapitre 1 de « L’homme révolté » d’A.Camus :

« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse , il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. Un esclave , qui a reçu des ordres toute sa vie , juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Quel est le contenu de ce « non » ?

Il signifie, par exemple , «  les choses ont trop duré », jusque-là, oui, au-delà non », « vous allez trop loin » et encore, «  il y a une limite que vous ne dépasserez pas ». En somme, ce non affirme l’existence d’une frontière. On retrouve la même idée de limite dans ce sentiment du révolté que l’autre « exagère », qu’il étend son droit au-delà d’une frontière à partir de laquelle un autre droit lui fait face et le limite. Ainsi le mouvement de révolte s’appuie, en même temps, sur le refus catégorique d’une intrusion jugée intolérable et sur la certitude confuse d’un bon droit , plus exactement l’impression, chez le révolté , qu’il est « en droit de.. ». La révolte ne va pas sans le sentiment d’avoir soi-même , en quelque façon , et quelque part, raison .C’est en cela que l’esclave révolté dit à la fois oui et non. Il affirme en même temps que la frontière, tout ce qu’il soupçonne et veut préserver en deçà de la frontière. Il démontre, avec entêtement, qu’il y a en lui quelque chose qui « vaut la peine de… » ,qui demande qu’on y prenne garde . D’une certaine manière il oppose àl’ordre  qui l’opprime  une sorte de droit à ne pas être opprimé au-delà de  ce qu’il peut permettre.

En même temps que la répulsion à l’égard de l’intrus, il y a dans toute révolte une adhésion entière et instantanée de l’homme à une certaine part de lui-même ».

C’est cette part de lui-même que le résistant comme le révolté vont chercher à sauver  cette part que que l’on appelle la liberté ou la dignité.

Qu’on ne s’y trompe pas pourtant : la résistance n’a pas que de bonnes raisons d’être ! Il faut sans arrêt s’interroger sur ce qui nourrit la résistance . Loukachenko résiste aux contestations d’une grande majorité du peuple biélorusse  , il résiste aux condamnations d’Etats de l’Union européenne , mais il résiste pour de très mauvais raisons : se maintenir au pouvoir coûte que coûte . En soi cette résistance n’est pas nécessairement négative, on peut se dire que le pouvoir est garant  de l’ordre, que la révolte est dangereuse, injustifiée. Mais  dans le cas de la Biélorussie , on a volé au peuple sa parole dans des élections truquées. En ce sens la résistance de Loukachenko est celle  d’un homme qui ne reconnaît pas sa défaite et qui refuse d’accepter le jeu de la démocratie . Celle- si l’on se reporte au passé de cet homme – d’un homme qui aujourd’hui montre son vrai visage : celui d’une crapule qui ne vise que son intérêt personnel et  , bien évidemment , de  l’intérêt des crapules qui résistent à ses côtés.

C’est pourquoi la résistance du peuple biélorusse a une tout autre signification que celle de Loukachenko et de ceux qui se rangent de son côté ( dont , bien évidemment , l’autre crapule, Poutine).

Et c’est pourquoi il est important de prendre en compte la méthode : le peuple biélorusse ne répond pas aux violences par des violences.  La solidarité des résistants fait leurs forces, pas les armes .Ils  se battent pour exister dans la vérité et la liberté.

Combats éternels de la force brute  et de celle des valeurs , des tanks , des armes, de la torture face à la liberté et à la dignité .

La seule résistance acceptable est celle de la liberté  qui donne son sens à la politique et qui en fait la grandeur .

C’est pourquoi aussi, quel que soit le passé de Navalny ,  on peut dire que sa résistance  a valeur positive parce qu’elle  est celle de la liberté et de la dignité.    

RAONI

Le 22 janvier 2021, par l’intermédiaire  de son avocat W.Bourdon,  le chef kayapo Raoni METUKTIRE  a adressé une plainte à la procureure de la CPI, Fatou BENSOUDA, contre Jair BOLSONARO  , pour crimes contre l’humanité, meurtres,  transferts forcés de populations, persécutions commises contre les  peuples autochtones d’Amazonie.

La plainte est documentée, argumentée et ne fait qu’exprimer un état de fait que de multiples organismes ont pu constater .  On ne peut que se réjouir de cette plainte à l’encontre de ce populiste vulgaire, corrompu, dangereux  non seulement pour les brésiliens mais  pour la planète.

La notoriété de Raoni est en très grande partie due à la rencontre qu’il fit en Amazonie avec  Jean-Pierre Dutilleux  . Dans son dernier livre écrit avec  ce dernier «  Mon dernier voyage » , Raoni raconte brièvement la rencontre avec JP Dutilleux ,  qui a échappé à une mort possible , voire probable ,parce qu’il était porteur d’un message d’un ami de Raoni, un indigéniste brésilien .  Mais comme  le récit de sa vie permet de le comprendre , cette rencontre  n’aurait peut-être jamais  évolué en amitié – une amitié indéfectible- si Roani n’avait pas été un fils de chef ,  qui lui a enseigné  l’importance de se contrôler soi-même, « d’aimer tout le monde , hommes et femmes , empêcher les querelles inutiles , éviter les guerres »(p 42), s’il n’avait pas eu l’occasion également , avant cette rencontre, de faire connaissance avec le monde des Kuben ( les blancs ).

Jean- Pierre DUTILLEUX va lui permettre de découvrir  l’immensité de ce monde qu’il ne connaît pas, des éléments de leurs cultures au cours de  conversations , en lui  offrant un Atlas,  avant d’organiser des voyages qui vont lui permettre de parler au nom des peuples d’Amazonie , menacés dans leur existence par la déforestation accélérée de la forêt amazonienne.Raoni va découvrir , de l’avion qui l’emmène hors de son territoire , son monde, cette immense forêt amazonienne , petite au regard du reste du monde qui l’entoure.Il va découvrir la « civilisation », de grandes capitales , rencontrer des personnes célèbres  ( hommes politiques , célébrités de la télévision, le Pape ..) sans que jamais cela entame son attachement à son pays, l’Amazonie, son peuple et les peuples qui y vivent , son attachement aux  traditions. Bien au contraire . Devant les menaces de disparaître ,ce qu’il a pu découvrir et expérimenter a renforcé sa détermination :lutter pour maintenir un mode de vie  qu’il ne juge en aucun cas inférieur à celui de ces pays qu’il a pu parcourir, mais dont il comprend -même s’il reste confiant dans la volonté de ses défenseurs- qu’il est sans doute condamné à disparaître.

« Après ma mort, j’aimerais que les indiens vivent tranquilles dans la forêt , qu’ils puissent chasser, pêcher et aussi chanter et danser au village. C’est cela la vie des Kayapos », écrit-il à la fin  de son testament.

Refus de disparaître, refus de voir la forêt amazonienne disparaître, prise de conscience  que son destin est intimenent lié à celui de l’humanité et  , sans doute, que  celui   de l’humanité  est lié au sien, que son combat a valeur universelle .

Pour l’être humain que je suis ,la conviction que cette lutte inégale entre des peuples  aux cultures traditionnelles et une civilisation qui n’est plus que l’action conjuguée d’une économie  dominée par le capitalisme , la finance et la technologie n’est pas  jouée. Elle ne l’est pas parce qu’elle est en résonance avec la prise de conscience écologique d’une partie croissante des populations du monde.

Pour le moment il reste à espérer  que la CPI  comprendra que l’enjeu de cette lutte est, d’une certaine manière, une Justice qui , au nom de l’Humanité,  affirmerait  que l’Humanité s’appauvrirait de la disparition de tous les peuples et cultures qui sont AUSSI l’Humanité.

« Lorsqu’un peuple- qui occupait une position telle dans le monde que personne ne peut immédiatement la reproduire, dans la mesure où ce peuple présente toujours une vision du monde que lui seul peut incarner-, une ville ou même seulement un groupe de personnes est détruit, ce n’est pas seulement un peuple, une ville ni même un certain nombre d’hommes qui est détruit , mais une partie du monde commun qui se trouve anéantie : un aspect sous lequel le monde se montrait et qui ne pourra plus jamais se montrer. L’anéantissement ici n’équivaut pas simplement à une forme de disparition du monde, mais concerne également celui qui l’a perpétré. La politique au sens strict du terme n’a pas tant affaire aux hommes qu’au monde qui est entre eux et qui leur survivra; dans la mesure où elle est devenue destructrice , et où elle provoque la ruine du monde elle détruit et s’anéantit elle-même. Autrement dit :plus il y a de peuples dans le monde qui entretiennent les uns avec les autres telle ou telle relation, plus il se créera de monde entre eux et plus ce monde sera grand et riche  » Hannah ARENDT Qu’est-ce que la politique?

Poutine le délinquant

Le propre du délinquant est de ne s’arrêter dans les violences dont il ne cesse de jouir que lorsqu’il rencontre plus fort que lui , ou lorsqu’il commence à comprendre que le prix à payer pour jouir de ses méfaits est trop important.

Avec Poutine nous ne sommes plus dans la politique, comme nous ne l’étions plus avec Trump. Nous  ne sommes pas dans une relation de citoyen à citoyen. Nous sommes dans une relation entre un gangster ,  un mafieux et des gens, les russes , dont la plupart le laissent faire, certains se réjouissent de voir qu’ils ont un « chef » qui tient tête à l’Occident , voire l’humilie, et quelques-uns déplorent de vivre dans un pays où ils sont méprisés dans leur droit par un homme dont la fonction devrait être , précisément , de les défendre    L’acharnement d’un chef d’Etat contre un ou quelques citoyens révèlent la vraie nature du pouvoir dit politique : celui d’un gang , d’un clan qui se nourrit de la passivité de la majorité de leurs concitoyens. C’est ce qui se passe avec Navalny , qui n’est qu’un citoyen russe, qui a le malheur de révéler la vraie nature de Poutine. Navalny sera supprimé , un jour ou l’autre. Le délinquant Poutine ne peut tolérer  d’avoir un individu qui lui résiste et qui , de surcroît , le ridiculise, lui qui ,d’une façon proprement infantile, n’a  pas hésiter à se mettre en scène à moitié dévêtu , pour montrer sa musculature  ou à montrer qu’il était un homme fort, courageux , invincible ( un personnage de bande dessinée pour enfants).

Il ne s’agit pas de politique ,  il ne s’agit pas de penser au bien du peuple russe, il s’agit d’éliminer celui qui le nargue et le ramène à ce qu’il est : un délinquant.Poutine n’aime les russes que lorsqu’ils se comportent comme des moutons.

L’U.E n’a toujours pas compris que l’on ne gagne jamais avec un délinquant , tant que ce dernier ne craint rien , pense qu’il peut continuer , ce qui le confirme dans le mépris dans lequel il tient sa victime. Et Poutine est un délinquant endurci , qui s’endurcit à chaque victoire !

Et je ne peux que m’amuser d’ entendre je ne sais quelle ministre demander que l’on respecte la souveraineté de la Russie . Il ne s’agit pas de la souveraineté de la Russie , mais de celle de Poutine, qui ne veut qu’une seule chose : qu’on le laisse assassiner sans rien dire un opposant qui ne fait qu’user de ses droits , et qui ne doit d’être en vie que d’avoir pu échapper à son pouvoir.

Trump, un danger pour le monde.

Si les comportements de Trump n’avaient de conséquences fâcheuses voire catastrophiques que pour les américains, on pourrait les déplorer , partager  la colère ou le désespoir des américains qui ont dû les subir pendant 4 ans. Mais il n’en est rien , malheureusement . M.Trump est président de l’une des grandes puissances de la planète. Ses décisions ont des conséquences au niveau mondial. Sa responsabilité est en conséquence. A ce titre ses pathologies menacent la paix mondiale, ajoutent du désordre au désordre , de l’instabilité à l’instabilité.

On ne peut que déplorer que des systèmes politiques rendent possibles l’élection de pareils individus,  qui n’hésitent pas à  exciter les pires passions  pour se maintenir au pouvoir  , au risque du chaos .

Trump s’en sortira sans doute parce qu’il a de l’argent , des complices aussi corrompus que lui , aux pathologies sans doute semblables, alors qu’il devrait être traîné en justice et payer d’années de prison les dégâts qu’il a fait subir à la société américaine et au monde. 

Ces individus ne sont pas des hommes politiques ,  mais  des chefs de gangs.

Faut-il appeler démocratie un Etat capable de se donner un tel président,  un Etat où un président élu se permet de traiter comme des ennemis ses propres concitoyens ? 

Que faire pour que de pareils  individus ne puissent jamais accéder au pouvoir    et ne pujssent menacer la paix du monde ? Que faire pour qu’un pays  ne puisse être entraîné par ces irresponsables politiques sur des voies qui risquent de mener à la guerre et au chaos ?

De façon évidente se pose la question de la souveraineté des Etats, souveraineté  au nom de laquelle on n’a de comptes à rendre à personne, au nom de laquelle on peut ne penser qu’à soi, sans se soucier de savoir si cet égoïsme n’est pas préjudiciable aux autres.

Un avenir plus paisible passera nécessairement par la remise eu cause de ce concept .La souveraineté des individus comme des Etats n’est plus de saison.  

Gisèle HALIMI

Pour toutes celles et ceux qui ne connaîtraient pas Gisèle Halimi, le plus simple est sans aucun doute de lire son dernier livre « Une farouche liberté ». Ils y trouveront une biographie co-écrite avec Annick Cojean , juste avant sa mort le 28 juillet 2020.

Le mot liberté est le fil conducteur de sa vie comme on pourra s’en assurer en lisant les livres qui ont jalonné sa vie. Farouche parce que l’affirmation de sa liberté ne s’est pas faite facilement , sans qu’il lui faille sans arrêt combattre contre celles ( et notamment sa mère, Fritna) et ceux qui ont toujours cherché , en lui rappelant qu’elle était une femme, qu’elle devait se plier aux diktats des hommes , aux lois du patriarcat ou à la stupidité des machos.

J’ai découvert Gisèle Halimi quand  en 1984 j’ai commencé à étudier les textes féministes à la Bibliothèque Marguerite DURAND, à l’époque, dans le Vème arrondissement de Paris . Gisèle Halimi partageait les idées d’un des courants du féminisme, celui qui avait trouvé dans le « Deuxième sexe » de Simone de Beauvoir  son texte théorique fondamental. Elle était soucieuse de travailler à l’égalité des droits  et contre les discriminations dont souffraient les femmes. Ses combats pour modifier la loi  sur l’avortement , sur le viol  ont marqué durablement la société française. Il y eut également la lutte  pour la reconnaissance de la torture pratiquée en Algérie par l’armée française et sa dénonciation.

Celles et ceux qui qui ne s’en tiendront pas à ce dernier livre découvriront que ses livres sont une autobiographie , la vie d’une femme , mariée, avec trois enfants , qui a  essayé de concilier , comme tant d’autres  , sa vie professionnelle et sa vie d’épouse , de mère, de grand-mère et celle de fille d’une mère qui ne l’a jamais aimée . J’ai lu avec beaucoup d’émotion son livre consacrée à sa relation avec sa petite-fille, « Histoire d’une passion «  et celui consacrée à sa relation à sa mère « Fritna ». J’attends de trouver rééditée son autobiographie « Le lait de l’oranger ».Bien évidemment  aucune et aucun féministe ne pourra faire l’impasse sur des ouvrages comme « La cause des femmes », « Avortement : une loi en procès » ou « Viol : le procès d’Aix en Provence »

 Le combat pour la liberté est un combat politique , comme nous aurons l’occasion de le montrer en  développant l’idée de citoyenneté.  Etre libre c’est agir , il n’y a  de liberté qu’en acte . La vie de Gisèle Halimi en est une parfaite illustration.

La femme, la vie, la liberté

De Leïla Mustapha et Marine de Tilly

Nous avons vu le film « 9 jours à Raqqa », Elisa (  SVE au CERS )et moi  en avant-première. Un film bouleversant sur une jeune femme kurde et syrienne Leïla Mustapha,  née à Rakka le 12 septembre 1988 ,et maire de Rakka, ancienne capitale de DAECH, ville qu’elle quittera  en janvier 2014 , pour échapper aux horreurs perpétrées dans la ville par les islamistes, et dans laquelle elle reviendra le 19 octobre 2017, 2 jours après la libération de la ville.

Le documentaire  a été réalisé par Xavier de Lauzanne, cinéaste  , avec la collaboration de Marine de Tilly , écrivaine et journaliste qui a accepté de l’accompagner dans la ville de Rakka pour rencontrer Leïla Mustapha.

« 9 jours  à Dakka » parce qu’au-delà, les vies auraient été en grand danger .

Pendant 9 jours , donc, Marine de Tilly rencontre à divers moments du jour ou de la nuit Leïla Mustapha. Le documentaire permet de faire connaissance avec cette jeune femme dont la vie est consacrée à la reconstruction de Raqqa et à la difficile tâche de créer une véritable démocratie, permettant à toutes les nationalités présentes de vivre ensemble.

Travail titanesque , hors-norme, incroyable et pourtant, oui, le film nous montre comment cette jeune femme  est parvenue à mettre en œuvre son programme de reconstruction de la ville et son programme politique.

Ce film est prolongé par l’écriture d’un livre , co-écrit- par Leïla Mustapha et Marine de Tilly .

Son titre «  La femme, la vie , le liberté »  (Jin, Jiyan, Azadi, » est le cri de ralliement des combattantes kurdes)

On ne résume pas un tel livre, bouleversant de bout en bout.On retrouve une actualité toujours très présente dans les mémoires, pour celle et ceux qui l’ont suivie. Le film nous a rappelé , à Elisa et moi,  les horreurs ( et heureusement , nous n’avons pas vu ce qu’a vu Leïla ) de l’enfer de Raqqa. Il faut simplement voir le film et lire le livre.

Mais, comme toujours, quand je lis de tels livres, je cherche à comprendre ce qui fait tenir debout des êtres humains qui ont vécu de telles horreurs et ont gardé intacte la foi qu’ils ont dans les hommes (  foi, dans le sens où ils ont gardé confiance en eux , conformément au sens étymologique). Il y a bien sûr une femme cultivée, qui a fait des études d’ingénierie ( ce pour quoi elle sera nommée maire).  Une femme qui a  vécu dans une famille aimante et pieuse.

Pieuse : il faut citer cette page où Leïla parle de sa foi :

«  Chaque jour , sous les menaces , chaque nuit sous les bombes , je ne pensais qu’à lui, Allah, le soleil ; les chacals avaient la force , le pouvoir et des armes, le peuple gémissait, les balles sifflaient , les corps souffraient ou périssaient , mais il nous restait la foi. Daesh ne l’avait pas . Pratiquer n’est pas croire . « L’âne peut aller à la Mecque , il n’en reviendra pas pèlerin » comme dit mon frère. Il ne suffit pas de faire les cinq prières par jour, il faut penser aux enfants , aux humains. Ces gens-là n’ont pas lu le Coran , ils le citent hors-contexte pour l’utiliser à leurs fins , mais comprennent-ils seulement ce qu’ils disent ? Ils  se croient maîtres de nos consciences  mais ils n ‘en ont pas. Quand ils gueulent en faisant la police à chaque carrefour , ils ressemblent à des veaux. S’ils avaient lu le Coran, ils ne verraient que  liberté et réconciliation là où ils ne cherchent que condamnations et punitions. S’ils avaient lu le Coran, ils ne sèmeraient pas le désordre sur la terre , ils ne prospéreraient pas sur nos cadavres , ils n’allumeraient pas le feu de la guerre. S’ils avaient  lu le Coran ils sauraient aussi que ce feu , Allah l’éteindrait. Non, nous ne serions pas condamnés pour leurs actes imbéciles. Daesh n’était qu’une éclipse comme il y en a eu tant dans l’histoire des hommes . Et aucune éclipse ne peut éradiquer la lumière du soleil..

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Mon pays était-il damné ? Ne connaîtrions-nous désormais plus que l’oppression , la guerre et l’arbitraire ? Et moi, que faisais-je, que devais-je faire, qu’étais-je capable de faire ? Où et quelle était l’âme véritable de l’islam ? J’aurais pu mourir de questions . Alors je relisais  le Coran , mon refuge , et je ne tremblais plus. Je le relisais et je comprenais que la paix , plus que l’absence de guerre et de violence , était un état d’esprit. Que l’homme qui vivait en harmonie avec Dieu, avec lui-même, avec son prochain et avec la nature , celui-là était un vrai croyant. Que l’islam était un humanisme, et le Coran une lumière pour l’atteindre. Que pour lutter contre une nature obscène, il fallait faire germer une nature raffinée. Que quand les mauvaises herbes pullulaient dans un jardin, rien ne servait de les arracher ou de les brûler, cat elles étaient envahissantes , elles infectaient les autres plantes , et parvenaient toujours à se propager, même isolées dans un coin du jardin. Que la réponse était de planter d’autres arbres , aux racines solides , sur le même terrain, qui absorberaient toute l’eau, capteraient toute la lumière et donneraient des fruits. Que la bonté était implacable . Et qu’il ne suffisait pas de la lire, il fallait la convertir dans le réel, quel qu’il fût, même brutal, injuste , difficile.( 67/68)

Mais aussi une femme qui va découvrir quelle tâche l’attend quand elle entend le cri de ralliement des femmes combattantes kurdes :

« « La femme, la vie, la liberté ». Depuis que je l’avais entendu , ce slogan ne quittait plus mon esprit. J’avais toujours pensé que la liberté était trop grande pour se retrouver enfermée dans des formules. Mais celle-ci était immense , elle regardait loin, large, profond. C’était le cri de ralliement de la brigade féminine qui avait rejoint au mois d’avril l’Union de protection du peuple ( YPJ). Le premier bataillon exclusivement féminin du monde était kurde . Quelle percée. « La femme, la vie, la liberté ». Quelle fierté . A situation exceptionnellement douloureuse , initiative exceptionnellement belle et bonne. Alors même que l’idée qu’une femme puisse p,nser et décider n’était pas vraiment acquise, ces jeunes filles allaient prouver qu’elles pouvaient et qu’elles savaient se battre. A elles-mêmes sans doute, au premier chef. A leurs frères, à leurs pères , à leurs amis. Aux kurdes , aux arabes , aux Syriens. Et aux femmes du monde entier . « Se battre pour l’humanité  est un grand honneur pour nous, avait posté une amie qui venait de s’engager sur sa page Facebook. Nous avons commencé cette révolution pour tout le monde, et nous continuerons. Jusqu’à ce que toutes les femmes soient libres., nous continuerons le combat. » Si elle avait été devant moi , je l’aurais serrée dans mes bras. »

Après avoir souligné qu’elle n’avait rien fait auparavant , contre le régime, pour la révolution , elle continue :

«  Je m’enorgueillissais du courage des YPJ. Je ne songeais pas à faire comme elles, je n’avais jamais été sensibles à la grammaire militaire , je ne suis pas une combattante . Je n’étais alors pas une plus une militante : pas de carte , d’aucun parti. J’étais juste une femme , comme la moitié de l’humanité. Musulmane comme la majorité de mon pays, et kurde , comme une minorité d’entre eux. Une femme kurde dans l’enfer de la Syrie. Même aux heures les plus odieuses du régime, assombries par celles plus noires encore de la tyrannie islamique , j’avais toujours été convaincue qu’il n’y avait pas que la dictature contre le califat, les hommes contre les femmes, la majorité contre les minorités, les Kurdes contre les Arabes . Je croyais que même dans la pierre la plus dure, il y avait des fissures et que c’était par elles que la lumière pouvait et devait passer. Je ne parle pas là d’espoir ou d’espérance , je parle de réalité. Une démocratie était possible, ici, chez moi , maintenant. Aveuglée par leur lumière noire , étranglée par la peur , voilée jusqu’au bout des ongles , je n’arrivais plus à voir ni à penser. Tout était pourtant limpide. Ne pas attendre la fin du chaos . Faire sur le terrain civil ce que les filles des YPJ accomplissaient bientôt sur le terrain militaire ( notamment à Kobané) Ne me préoccuper ni d’argent, ni de pouvoir, ni d’amour, ni même de survie mais seulement de liberté . Regarder loin et voir au-delà des horizons raisonnables. Les YPJ avaient raison , c’était la femme la clé de cette révolution. Comme elles il fallait s’engager pour les protéger , les libérer » p71/72

Et enfin une femme qui va faire une rencontre qui va changer sa vie ,, celle d’Omar Allouche . avocat , homme d’affaire, originaire de Kobané.

Il avait voulu rester civil, n’avait pas combattu , n’avait pas été un cadre du parti.

« Lui-même aimait se désigner comme un simple « compagnon de route » du mouvement kurde , qui se battait pour une Syrie libre , multiconfessionnelle et multicommunautaire. Son grand combat , c’était l’union de tous les syriens , l’entente , voire l’amitié arabo-kurde : autant dire une folie , autant dire le salut ».

Il l’écoute , ils discutent, ils s’entendent :

« Pour la première fois depuis des mois je n’étais plus seule . J’avais trouvé un ami , un guide , un éclaireur . Je voulais m’engager , bâtir , ne pas mourir, je ne savais pas comment , par où commencer , avec qui : Omar allait me le dire. Il n’en savait pas plus que moi et que nous tous mais il croyait que vivre ici , maintenant  avait un sens , et qu’il n’était ni trop tôt  no trop tard. Il croyait que cette vie n’irait pas sans grands pardons, petites amnésies et forte volonté. Il croyait que la réalité ne naissait que dans les rêves et que les rêves résistaient à la mort. Il croyait que l’aventure la plus prodigieuse était notre propre vie et que cette vie était à notre taille. Il croyait que chacun de nous pouvait changer les choses , que chaque action , même insignifiante , faite avec respect et intelligence , faisait la grandeur d’un homme. Et il croyait en moi, petite Leïla. » p.117, 118.119

Omar Allouche sera assassiné. Le 15 mars 2018 . Pleurs , hurlements de douleur, insultes contre les assassins. Elle écrit « Il avait fait de moi une femme forte , confiante et solide , il avait cru en moi et sans lui, peut-être plus fort encore qu’avec lui , j’allais poursuivre la lutte » p204

Mais malgré ces trois raisons, il reste une sorte de mystère. Celui d’une force capable de résister à tous les assauts, à toutes les peurs, à toutes les menaces , à toutes les difficultés. Force capable de résister à la mort qui menace , toujours présente .

Une foi inébranlable en Dieu, en l’homme : pas celle d’un Erdogan, appelé « le tueur », celui qui rêve d’éradiquer de la planète les kurdes, dont la politique est à vous faire  haïr l’Islam ! Son contraire exact.

Et le rêve qu’une démocratie est possible  « sans aucune frontière mentale , physique , ethnique ou religieuse » 209