Cet ouvrage, que nous nous proposons de présenter, nourrira la réflexion de tous les cosmopolites qui se demandent ce que peut signifier être cosmopolites aujourd’hui et/ou comment transformer leurs convictions en actions. Il est d’autres livres importants pour approfondir la compréhension du cosmopolitisme, que nous présenterons postérieurement , et il n’est pas dans nos intentions de distribuer des bons points à tel ou tel auteur. Si nous donnons la priorité à celui-ci c’est que les lectures successives que nous en avons faites n’ont cessé de nourrir nos interrogations relatives à la question suivante :comment vivre en cosmopolite ? Que faire pour que le cosmopolitisme devienne une force – aussi minime soit-elle- de transformation du monde? Louis LOURME est philosophe et n’ignore rien du cosmopolitisme antique. Ce qui l’a sans doute intéressé dans les ouvrages qui ont nourri sa réflexion ( dont beaucoup ne sont pas traduits) et ce livre, est précisément ce qui nous intéressait quand nous avons découvert son livre sur le présentoir de la FNAC de la rue de Rennes à Paris: l’éthique ( et métaphysique) cosmopolite ne peut-elle devenir une politique, une organisation du monde , et la citoyenneté une citoyenneté comparable à la citoyenneté dans son sens habituel, juridico-politique? Ce livre répond à ces questions.
Il es d’autant plus intéressant qu’il n’évite jamais les questions gênantes, celles qui pourraient renvoyer le cosmopolitisme au rang des utopies- entendues comme théories qui font fi de la réalité. Le cosmopolitisme que nous présente Louis LOURME est, comme il le dit lui-même, un » réalisme cosmopolitique ». Nous lui devons le titre de notre site.
La question à laquelle répond l’ouvrage est la suivante: peut-on dépasser ( sans rejeter) la conception éthique de la citoyenneté mondiale , celle des penseurs de l’Antiquité , qui est une non-citoyenneté au sens habituel du terme, dans une conception politique , une citoyenneté réelle, juridico-politique?
La réponse de L.LOURME est affirmative. L’ouvrage se propose de montrer que l’évolution du monde, sa cosmopolitisation , non seulement crée les conditions de possibilité de cette nouvelle citoyenneté mais encore l’appelle, l’exige ( cf le titre d’un chapitre : »l’impératif cosmopolitique ») et que des penseurs ont déjà largement cherché à penser les conditions de réalisation de cette nouvelle citoyenneté.
Dans les deux premiers chapitres l’auteur s’applique à montrer que l’évolution du monde a créé les conditions subjectives et objectives de possibilité de cette citoyenneté mondiale:
-conditions subjectives:
Depuis la période des Grandes découvertes ( Renaissance) notre conception du monde n’a cessé de changer. Le développement des techniques d’information et de communication a joué un grand rôle dans cette transformation. Le sentiment que nous habitons un monde commun, un, s’est affermi. L’auteur souligne la très grande importance de cette idée d’habitation. Le monde est notre habitat, c’est-à-dire le lieu où nous vivons, non pas l’espace neutre du marché- ce qui permet de faire la différence entre cosmopolitisation et mondialisation – mais un espace différencié, valorisé. Il y va de nos vies et non pas seulement de nos richesses . Le monde a perdu ce côté abstrait qu’il pouvait avoir dans le cosmopolitisme antique. Il est devenu concret, il a acquis « une épaisseur » qu’il n’a jamais eue. L’auteur parle de « planétarisation ». Le monde est devenu notre planète Terre. Désormais nous savons que nous avons à vivre ensemble sur cette planète. Non seulement nous appartenons à ce monde mais encore ce monde nous appartient en ce sens que nous, êtres humains, nous pouvons le penser. De là notre responsabilité vis-à-vis de la planète. De là également l’affirmation justifiée que nous avons une « nature cosmopolitique » .
-conditions objectives:
Depuis les traités de Westphalie ( 1648), qui ont défini les relations internationales en Europe,les fondant sur une conception de la souveraineté qui reste encore la nôtre, le monde a changé. On a assisté à une cosmopolitisation croissante d’une part des interactions entre Etats, d’autre part entre les Etats et les autres acteurs internationaux ( ONU, FMI,ONG etc..) L’auteur développe les trois domaines où s’est déployée cette cosmopolitisation : politique, juridique et économique. Il en résulte que si le dogme de la souveraineté n’a pas disparu, a disparu en revanche celui du dogme de la souveraineté exclusive des Etats. Ils ne peuvent plus agir seuls . Cette perte « d’autonomie » , comme le dit l’auteur, n’est pas « un abandon » de souveraineté mais « la condition d’un exercice de la souveraineté dans le monde d’aujourd’hui »(73) et rend nécessaire l’innovation institutionnelle en matière de gouvernance mondiale.
Cette innovation institutionnelle semble rendue d’autant plus nécessaire que l’humanité est confrontée à des risques qui devraient l’y conduire. La conscience de ces risques s’est largement développée avec les technologies de l’information et de la communication. leur caractère cosmopolitique ( c’est-à-dire « qui concerne les individus en tant que citoyens du monde ») et non plus simplement international, s’est largement imposé aux consciences.
A l’issue de ces deux chapitres l’auteur montre les limites de cette cosmopolitisation. le développement de la conscience cosmopolitqiue n’est pas identique partout, est instable, se limite souvent à sa dimension intellectuelle , se heurte à des intérêts particuliers puissants. Par ailleurs cette cosmopolitisation est « un processus qui se déploie toujours aux côtés d’autres processus qui peuvent lui être contraires »: ethnicisation des conflits, développement des nationalismes etc…
« Le fait que nous soyons de plus en plus conscients d’être habitants du monde ne signifie pas que nous en soyons tous citoyens, et ne suffit pas non plus à établir les cadres institutionnels qui pourraient nous le faire devenir » ( 106)
Par ailleurs l’auteur souligne la différence entre ce cosmopolitisme » contraint et subi » et le cosmopolitisme antique, entièrement positif dans l’esprit de celui qui s’en réclame à titre d’idéal éthique: le premier est nettement moins attractif en ce sens qu’il ramène le monde à sa dimension de planète, de monde que nous partageons avec tous les vivants. La dimension métaphysique, une des dimensions importantes du cosmopolitisme antique, n’a certes pas disparu mais est passée au second plan. En bref: la réalité impose ses contraintes et la solution institutionnelle ne s’impose pas comme la meilleure voire la seule solution pour répondre aux défis qu’elle nous pose.
Le développement d’une société civile mondiale- et son caractère cosmopolite- permet de penser néanmoins que la démocratie cosmopolitique peut y trouver sa condition pratique. Le troisième chapitre y est consacré.
A près avoir montré que la naissance de cette société civile est due à la constitution d’un espace politique propre, différencié de l’Etat – les théories du contrat ont joué un rôle important dans cette constitution- où les citoyens vaquent aux activités qui leur permettent de satisfaire leurs besoins, l’auteur nous propose une définition de cette société civile en trois points:
-un processus qui génère du consensus par le débat
-un biais d’action politique pour les citoyens
-une société associée à un territoire délimité , celui de l’Etat
définition qu’il développe en s’appuyant sur les travaux de J.Habermas, avant d’en venir à l’idée de société civile mondiale.
Néologisme datant des années 1990 l’auteur en propose d’abord une définition empirique ( « elle désigne l’ensemble des activités non institutionnelles de la gouvernance mondiale, structuré par une ensemble hétéroclite d’acteurs.. »110) avant de proposer l’analyse de Mary KADOR , une des figures importantes de la démocratie cosmopolitique et spécialiste de la gouvernance mondiale. Les trois paradigmes qu’elle en propose- la version militante, la version « néolibérale », la version postmoderne- sont exposés , le dernier débouchant sur une interrogation sur la possibilité de donner une place à certaines formes de délibérations politiques, distinctes des formes occidentales et à d’autres acteurs, notamment les mouvements radicaux. L’auteur souligne qu’elle est dans le droit fil d’un cosmopolitisme respectueux du « principe de diversité » mais se demande si toutes les formes de revendication peuvent entrer dans le concept de « société civile mondiale ». Comment peut-on se défaire de l’accusation d’occidentalisme, que l’on trouve dans cette version post-moderne? Il note que l’invitation au dialogue, légitime d’un point de vue démocratique, est par elle-même insuffisante pour répondre à cette accusation.
Pourquoi la société civile est-elle si importante pour la démocratie cosmopolitique? C’est qu’elle est « le biais privilégié par lequel la politique est effectivement menée à l’échelle de la planète » (129) Elle est également un élément essentiel du processus démocratique. Mais, insiste l’auteur, elle donne un autre sens au mot monde: un espace pour l’agir politique. L’auteur développe cette idée en exposant les cinq fonctions cosmopolitiques de la société civile mondiale:
-encourager une plus grande prise en compte des stakeholders ( individus concernés par une décision politique). La société civile est en effet le lieu où ils peuvent participer ou faire entendre leur voix.
-renforcer la « conscience cosmopolitique « , par le biais des actions et du relais médiatique dont elles peuvent jouir ( concept de « publicité »)
-renforcer l’expérience de la transnationalité , car les mouvements mondiaux, les associations et les organisations non étatiques unissent des individus au-delà de leurs appartenances nationales
-promouvoir les droits de l’homme, qui sont devenus progressivement une norme morale étendue à l’échelle de la planète. Les acteurs de la société civile ont une plus grande marge de manœuvre pour en faire la promotion.
-influencer la gouvernance mondiale. Cette influence a lieu à travers les quatre fonctions précédentes.
Reste qu’on ne peut pas ne pas s’interroger sur la légitimité des mouvements mondiaux, des organisations qui agissent pour plus de respect des normes démocratiques: d’où tirent-ils leur légitimité? L’auteur s’appuie sur la différence entre l’ochlos ( la foule) et le démos ( le peuple) pour souligner qu’attacher trop d’importance à la société civile pourrait faire courir le risque de donner trop d’importance à une expression ochlocratique ( revendicatrice, particulariste, interessée etc..) aux dépens de l’expression démocratique. Comment ne pas s’interroger sur le « tous » dont la société civile mondiale se réclame pour fonder sa légitimité?
L.Lourme répond que les mouvements mondiaux se réfèrent aux principes universels qu’ils défendent et non au fait qu’ils représentent la population pour fonder la légitimité de leurs revendications et de leurs actions.
Leur légitimité viendrait qu’ils défendent les droits de l’homme et non une élection. Il montre que cette référence aux droits de l’homme est problématique et que c’est au cosmopolitisme institutionnel de répondre à ce manque de légitimité.
La citoyenneté du monde, telle qu’on peut la définir à partir de l’activité des acteurs de la société civile, est « une citoyenneté au sens d’une activité politique volontaire, mais pas au sens fort d’un statut juridico-politique…(155). La question se pose de savoir si l’on ne peut pas dépasser ce sens de la citoyenneté mondiale. C’est l’optique prise par le cosmopolitisme institutionnel, par les penseurs de la « démocratie cosmopolitique » qui fait l’objet du chapitre 4.
Leur réflexion les conduit à repenser la démocratie et à la définir comme processus et non comme un ensemble de règles définies une fois pour toutes , comme un type de régime politique, un type fixe de gouvernement. La représentation, que l’on considère comme définissant la démocratie , ne la définit pas ,comme le montre l’histoire. Quels sont les critères qui permettent de parler de démocratie? Ce sont des principes ou desvaleurs:
-la non violence, c’est-à-dire l’autorité de la loi, mais ce critère à lui seul n’est pas suffisant
-le principe de contrôle, qui signifie que l’action politique est institutionnellement placée sous le contrôle populaire
-le principe d’égalité ( qui se heurte au principe de nationalité)
Définition très large de la démocratie : conception qui permet de la distinguer de la démocratie libérale à l’américaine, où elle est définie par ses fins et non ses principes originels , et définition strictement politique.
L’originalité des penseurs de la démocratie cosmopolitique est qu’ils essaient d’imaginer » à quelles conditions et sous quelles formes il serait possible d’établir une nouvelle sphère qui soit proprement cosmopolitique et de l’articuler avec les autres sphères de l’action publique qui composent la gouvernance mondiale ( à savoir les sphères locale, internationale et régionale » p 167)
La recherche de cette sphère proprement cosmopolitique conduit à s’interroger sur les domaines d’actions qui lui seraient propres. Le principe général avancé est qu’il faut distinguer des domaines de différents niveaux ( local etc..) donc des niveaux de gouvernance. D’où, non pas la suppression de l’idée de souveraineté ni celle de l’Etat, mais une nouvelle expression de cette idée de souveraineté , à travers le principe de subsidiarité ( principe selon lequel il faut faire varier les niveaux de délibération et de décision) et l’affirmation que l’Etat , s’il reste un niveau de gouvernance privilégié, voit remis en cause son autonomie et son caractère supérieur. Bref il n’y aurait plus un seul corps souverain ( l’Etat) mais la souveraineté pourrait être déléguée à d’autres organes pour des actions spécifiques ( autorités locales et organisations supranationales) p 171. Les sphères politiques seraient différenciées selon leur capacité à résoudre des esituées sur des échelles différentes.
Cette façon de voir se fonde sur la valeur universelle de la démocratie ( de ses valeurs et principes) et donc vise à une démocratisation de la gouvernance effective et une adaptation des principes démocratiques aux différents niveaux de gouvernance.
Louis Lourme expose alors la liste de domaines d’action que les penseurs de la démocratie cosmopolite propose : le contrôle de l’usage de la force, l’acceptation de la diversité culturelle, le renforcement de l’autodétermination des peuples, le suivi des affaires intérieures, la gestion participative des problèmes mondiaux , et aborde la question difficile de l’ingérence , soulignant que pour les cosmopolites institutionnels la question de l’ingérence est avant tout celle de l’affirmation et de la défense de la valeur universelle des droits de l’Homme, défense dont ils ont conscience qu’elle n’est pas sans soulever des difficultés , qu’ils essaient en partie de résoudre par des innovations institutionnelles. Puis il aborde une des questions centrales de la réflexion: celle de la centralisation des pouvoirs et du risque d’un pouvoir tyrannique. N’évitant aucune difficulté, il en vient à souligner que la démocratie cosmopolite « ne revient pas à mondialiser l’optique nationale mais bien à développer une optique proprement cosmopolitique », ce qui explique que le mot gouvernement est remplacé par celui de gouvernance, concept plus flou dans sa structure et plus ouvert dans son mode de décision, qui lui-même ne va pas sans susciter des questions ( qui rendra des comptes? quelle transparence?..)
L’auteur aborde alors la façon dont le cosmopolitisme institutionnel envisage la gouvernance cosmopolitique. Il s’agit bien de repenser les rapports entre Etats à l’échelle mondiale. Il apparaît alors que le modèle de la démocratie cosmopolitique est un intermédiaire entre les modèles de la fédération et de la confédération. Développant les différences entre la démocratie cosmopolitique et les autres modèles l’auteur souligne au la différence principale est que la norme démocratique devient la référence, remplaçant celle de la souveraineté ou de la puissance de chaque Etat, et que cette norme est suffisamment souple ( rappelant que la démocratie est vue comme un processus) pour pouvoir être appliquée malgré l’existence d’Etats non démocratiques. Concernant ensuite les réformes institutionnelles il souligne qu’elles tiennent compte de situations déjà existantes et s’attarde notamment sur le pouvoir de coercition dont devrait disposer la sphère internationale, dont il souligne qu’il s’agit de mettre fin à l’état de nature entre les Etats et d’établir un état de droit à l’échelle de la planète.
Le cœur du projet est de donner une plus grande place à la participation des citoyens, à tous les niveaux de gouvernance.
L’auteur aborde ensuite la question d’un parlement mondial, dont il rappelle qu’elle est présente dans les textes des cosmopolites et qu’elle est l’une des plus commentées, selon lui, pourtant, pas le cœur véritable de la démocratie cosmopolite.
Il note que le projet reste volontairement flou ( que serait ce parlement? qui y siègerait?), avance qu’il aurait à traiter des questions qui concernent les habitants de la planète en tant qu’ils habitent la planète, et pose la question de sa légitimation , qui ne saurait être autre que le besoin politique que l’on en aurait. Enfin est abordée la question de la place de l’Etat. Il reste très important, il continue d’être un lieu privilégié pour « investir et rendre sensible aux citoyens les questions touchant à l’échelle globale » 211, et verrait sans doute son efficacité et son domaine d’action renforcés. Enfin l’auteur se demande si ce cosmopolitisme institutionnel est encore un cosmopolitisme. Premièrement ne conduirait-il pas à une « décosmopolitisation » des Etats, qui laisseraient des institutions cosmopolites se charger des problèmes globaux? Il répond négativement à cette question affirmant notamment que c’est précisément la non-cosmopolitisation de la sphère nationale qui conduit au renforcement de la sphère cosmopolite. Secondement ne serait-il pas un eurocentrisme déguisé? Il répond que le cosmopolitisme institutionnel ne peut être regardé comme « un universalisme politique » et que son ambition est « d’imaginer ce que pourraient être les conditions d’une prise en compte pacifiée du pluralisme et de la diversité »220
Il est question alors de savoir ce que ce cosmopolitisme a comme effet sur la notion de citoyenneté mondiale, tant d’un point de vue théorique que pratique. C’est l’objet du dernier chapitre.
La notion traditionnelle de citoyenneté implique l’appartenance à un Etat. Elle se décline en termes de droits et de devoirs. Or le cosmopolitisme politique ne vise nullement l’établissement d’un Etat mondial.Comment dès lors penser cette citoyenneté mondiale et la rendre effective?
Une première remarque consiste d’abord à faire valoir qu’il y a un processus de citoyennisation à l’échelle de la planète, comme le montre le développement de la société civile, les différentes échelles de gouvernance ou les institutions mondiales. En bref il y a déjà émergence d’une citoyenneté mondiale de fait. Cela signifie une certaine dénationalisation de la citoyenneté, non pas qu’elle a cessé d’être nationale mais qu’elle ne l’est plus exclusivement. En ajoutant qu’il faut tenir compte des différents de gouvernance on pourrait parler de citoyenneté multiple.
L’auteur se saisit de deux expériences de citoyenneté non nationale, supranationale d’abord, européenne, infranationale ensuite.
-Citoyenneté supranationale : la citoyenneté européenne.
La citoyenneté européenne montre qu’une citoyenneté effective peut exister sur un plan politique supérieur au plan national sans que ce plan prenne la forme étatique, sans être identique à la forme classique, sans faire disparaître les autres formes de citoyenneté.
Citoyenneté infranationale: droits accordés par les villes.
S’appuyant sur les propos de deux auteurs – Syla Benhabib et Jacques Derrida- qui notent que l’idée que des villes puissent octroyer des droits n’est ni nouvelle ni inexistante, l’auteur souligne que si l’on ne peut pas parler de citoyenneté mondiale, il s’agit bien pourtant d’octrois de droits au nom du cosmopolitisme.
Ce que l’on peut voir c’est que la citoyenneté mondiale gagne en effectivité par le fait d’une plus grande participation des citoyens aux prises de décisions relatives aux problèmes qui les concernent et par la défense des droits de l’homme.
D’une part cette citoyenneté mondiale détache le concept de citoyenneté de celui de territoire, ce qui ne signifie pas qu’elle est déterritorialisée mais seulement qu’il y a changement d’échelle.
D’autre part il faut entendre sa « multiplicité » dans le sens où, premièrement , on peut distinguer différents niveaux de citoyenneté , non exclusifs l’un de l’autre, secondement elle se fonde ( ou peut se fonder) sur l’appartenance nationale et, au niveau cosmopolite, sur des règles et principes généraux.
L’auteur s’attarde alors sur ce fondement ( en rappelant la thèse du « patriotisme institutionnel » de J.Habermas), notant que s’il semble conduire à une citoyenneté « désincarnée », cette désincarnation n’est pas uniquement un défaut et pourrait bien progressivement disparaître avec le sentiment de plus en plus grand d' »habiter le monde ».
Enfin l’auteur termine sur cette question, déjà abordée avec l’analyse de la thèse de R.Aron, thèse selon laquelle un citoyen ne peut avoir des devoirs envers plusieurs Etats, mais seulement envers l’Etat qui lui a garanti des droits:comment résoudre le conflit des loyautés qui résulteraient de l’appartenance à plusieurs sphères?Comment peut-on être citoyen d’un Etat et citoyen du monde?
L’auteur fait d’abord remarquer que le souci de traiter avec la même bienveillance le lointain et le proche n’ amène nullement à se détacher du proche.
Ensuite il évoque le concept de « cosmopolite enraciné » qui semble dire que l’on ne peut être cosmopolite que si l’on est attaché au proche. Se référant à la pensée de K. Appiah il conclue en disant que l’idéal cosmopolite nécessite un ancrage à partir duquel seulement on peut faire converger les identités culturelles variées.
Conclusion:
Elle rappelle que la cosmopolitisation du monde change notre conception de la citoyenneté et par là-même confère une nouvelle dimension au cosmopolitisme. Elle souligne que la démocratie cosmopolitique n’est pas utopique dans le sens où elle serait coupée du réel. Il s’agissait au contraire de monter la pertinence du projet du cosmopolitisme institutionnel.
