Le cosmopolitisme est un choix.

Les usages les plus fréquents de l’adjectif « cosmopolite » en trahissent le sens : le « polites », le citoyen devient un homme ouvert à toutes les cultures , qui s’y adapte, les apprécie, souvent un grand voyageur . Quant à une ville cosmopolite, elle se caractérise par la diversité de sa populationn,diversité de provenances, d’origines et de cultures.

Or, dans l’antiquité gréco-romaine, ce mot avait pour vocation d’affirmer un universalisme – celui d’une « nature » , d’une spécificité  humaine , dirions-nous, qui rapprochait les êtres humains dans une même communauté, celle de l’humanité- s’opposant à toute forme d’appartenance étroite , de nature   , « étatico-nationale ». La citoyenneté cosmopolite permettait  de penser qu’il y avait des droits et des devoirs universels, relativisant – voire rejetant pour leur particularisme étroit- les droits et les devoirs propres aux différentes cités humaines.

Il faut donc donner tout son sens à cette idée de citoyenneté, comme le font aujourd’hui la plupart des  cosmopolites. Et il le faut d’autant plus que l’universalisme est, aujourd’hui, non seulement problématisé mais contesté.

Etre cosmopolite  n’est donc pas avoir le goût de l’exotisme  et des voyages . L’homme d’affaires qui parcourt la planète, pour faire des affaires précisément , n’a rien , le plus souvent , d’un cosmopolite  , et les touristes sont souvent des « jouisseurs de la diversité » humaine plus qu’autre chose ( mais d’une diversité le plus souvent aseptisé)

La question cosmopolite  est celle d’une citoyenneté d’un genre nouveau et d’un monde qu’il faut construire, puisque le cosmos des anciens a disparu.

Beaucoup contestent – et aujourd’hui , au moment où j’écris, cette contestation reprend le chemin bien connus des racismes- la possibilité de cette citoyenneté cosmopolite et celle d’un monde habité par une communauté humaine qui, pour reprendre la devise de l’Union européenne, aurait l’unité d’une multiplicité, ce qui implique une forme d’universalisme.

Etre cosmopolite est donc un choix  .

Ce choix consiste à:

1- affirmer son appartenance à l’humanité , c’est-à-dire à l’ensemble que constituent les êtres humains

2-affirmer que cet ensemble forme une communauté du fait que tous les êtres humains qui le constituent  ont en commun leur humanité, c’est-à-dire ce qui les distingue  des autres espèces animales 

3-Affirmer que l’humanité est UNE malgré les apparftenances diverses des memebres de cette communauté à des Etats, sociétés et cultures différentes

4-Affirmer qu’il ne faut pas conclure  de cette diversité des appartenances  qu’il y a DES humanités, c’est-à-dire nier l’UNITE de l’humanité.

L’affirmation fondamentale du cosmopolitisme est que mon humanité n’est pas définie par mon appartenance à une « Cité » , ce que l’on appelle aujourd’hui « Etat ».

A cette affirmation certains  répondront : mais vous avez acquis votre humanité par votre appartenance à un Etat. A quoi nous répondrons :aucun Etat  n’a réussi et ne réussira à faire d’un chien un être humain.

L’humanité de l’homme n’est pas le résultat d’un pur conditionnement , d’un pur dressage. Elle est indissociable de ce que l’être possède à la naissance , cette puissance propre qu’on a pu appeler liberté et qui  exige d’être cultivée.

Quand cette puissance est absente – et cela peut arriver , comme le montre la tératologie- aucun conditionnement ne pourra faire que l’être né  entre dans la communauté des humains.

De l’Etat on ne reçoit pas son humanité, cette puissance propre à l’être humain dont la dimension ( la réalité ) biologique est évidente. Cette société organisée , à la culture propre qu’est l’Etat est le lieu où le nouveau-né va pouvoir exercer  et manifester sa puissance , lui donner forme  dans les innombrables interactions qui seront sa vie. C’est ainsi qu’il deviendra allemand, italien , français etc.;sans que jamais sa puissance ne soit emprisonnée dans les limites de ses conditionnements et de ses apprentissages . Ces derniers ont été rendus possibles  parce que cette puissance  propre les rendaient possibles: l’apprentissage d’une langue , pour ne prendre qu’un exemple, manifeste une faculté du langage qui permet d’en apprendre d’autres.

Le choix du cosmopolitisme ne va pas faire disparaître , comme par magie, ces conditionnements et ces apprentissages qui ont été « incorporés » au sens propre du terme. Mais la puissance propre de l’homme ( logos -c’est-à-dire raison et langage, pensée, conscience, fonction symbolique ..)lui permet de prendre  de la distance  vis-à-vis de soi, cette distance psychique  qui rend possible la réflexion, le retour sur soi, le jugement, le décentrement, d’une façon générale l’ouverture au monde.

L’être humain n’est pas enfermé dans ses conditionnements comme dans une prison.

Faire le choix du cosmopolitisme  c’est donc comprendre que toute culture ( au sens anthropologique du terme), trouve son origine dans la même puissance humaine.

Ce qui permet de reconnaître  tout humain comme un égal , reconnaître en lui cette même puissance qui définit mon humanité  et pouvoir le considérer comme un citoyen du monde; comme moi.