via Réflexions
Le mot « éthique » est d’origine grecque et la langue grecque nous en propose une double étymologie, selon que le mot commence par un èpsilon ou un èta : èthos ( avec èpsilon ) désignerait l’habitude, la coutume, l’usage ; èthos ( avec èta), au pluriel , désignerait l’habitat des animaux et des hommes, au singulier , la manière d’être habituelle, la coutume .(voir « Vocabulaire européen des philosophies » sous la direction de B.Cassin ).
Dans « La création du monde ou la mondialisation », Jean-Luc Nancy rappelle les significations étymologiques de ces termes: « Présence et disposition, séjour et comportement, ce sont les sens des deux mots grecs éthos et èthos , qui se sont contaminés l’un l’autre dans le motif d’une tenue , d’un » se tenir » qui est au fond de toute éthique. De manière différente mais curieusement analogue , les termes latins habitare et habitus proviennent du même habere , qui signifie d’abord « tenir » et « se tenir » , occuper un lieu, et de là posséder et avoir ( habitudo a pu signifier « manière de se rapporter…). C’est un avoir avec valeur d’être : c’est la manière d’y être et de s’y tenir. Un monde est un ethos, un habitus et une habitation : il est ce qui se tient à soi, en soi, selon son mode propre » (p36)
Ethos désigne une manière de se faire exister et de faire exister un monde , en insistant sur la durée. Une habitude est une manière durable de se comporter comme un habitat est une construction qui est destinée à résister au temps, à durer.
Rappelons que ethos a donné aussi éthologie, science du comportement , de la manière de vivre des animaux , dont les êtres humains.
Je définirai donc l’éthique comme une réflexion sur la manière dont nous devons nous comporter, agir, habiter le monde , nous faire exister et faire exister le monde.
Quels sont les enjeux d’une telle réflexion?
D’abord et avant tout la vie ou peut-être même faudrait-il parler de survie : durer.
Ensuite vivre en humain.
Sans doute ne faut-il pas séparer les deux , comme pourrait nous le montrer le débat sur l’euthanasie qui ne cesse de rappeler qu’il s’agit de vivre une vie humaine et pas seulement de vivre ( survivre).
Dans son livre « Le principe de responsabilité » Hans Jonas formule le nouvel impératif catégorique : » Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre »..,où l’expression « authentiquement humaine’ souligne clairement qu’il ne s’agit pas seulement de survivre.
L’éthique n’est rien d’autre que la recherche d’une vie authentiquement humaine.
Faut-il parler de bonheur , de joie, de plaisir etc..?
Je préfère parler de sens et de valeur. L’éthique questionne la vie quant à son sens et à sa valeur pour essayer de trouver une façon de vivre humaine. Et ce questionnement est indéfiniment relancé par le fait même des modifications incessantes que les êtres humains ne cessent de produire dans leurs conditions de vie .
Pour éviter de partir dans des considérations générales et plus ou moins abstraites , je suggère que chacun réfléchisse à sa propre existence , à sa vie quotidienne , à la façon dont il fait exister le monde et se fait exister lui-même et s’intéresse au sens et à la valeur de sa vie.Tâche ardue , mais si l’éthique n’a pas pour fonction de faire écrire de très beaux livres lus par quelques-uns, que peut-on faire d’autre de plus important?
